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S'inspirer et rester branchés!30-06-2016 / Articles-conseils
Vous envisagez confier la distribution de vos produits sur un nouveau marché d’exportation à un distributeur local? Ce dernier vous demandera probablement l’exclusivité de vos produits, de façon à s’assurer qu’aucun autre distributeur ne puisse nuire à ses efforts, lui faire concurrence.
Mais attention, en tant que fabricant, vous avez avantage à vous assurer que les ventes seront au rendez-vous. L’octroi de l’exclusivité n’est certainement pas de mise dans tous les cas et, si vous choisissez de la conférer, elle se doit d’être encadrée, à votre avantage.
Voici quelques éléments de réflexion qui pourront vous aider à vous positionner :
Beaucoup de distributeurs exigent une exclusivité pour un pays entier, voire même une très grande région géographique ou un continent. Mais ces distributeurs ont-ils des contacts réels et efficients, des clients, du personnel suffisant et les ressources financières nécessaires pour couvrir adéquatement et efficacement l’ensemble de ce territoire? Un distributeur demandant l’exclusivité de tous les États-Unis, alors qu’il ne fait affaire que dans le sud-est américain, aura pour effet de retarder votre pénétration du marché américain, du moins à court et moyen terme.
Un distributeur mexicain, par exemple, peut lui aussi sembler, à priori, une personne idéale pour le marché latino-américain dans son ensemble. Mais, s’il n’est implanté et ne vend qu’au Mexique ou en Amérique centrale, il ne pourra avoir l’efficacité qu’aurait un excellent distributeur chilien, au Chili. Il devient donc essentiel de bien faire sa vérification diligente quant aux moyens, contacts, expérience et capacité réels dont dispose le distributeur, et de tenter de l’utiliser selon ses véritables forces, sans tomber dans le piège de la gourmandise dont il fait preuve.
L’exclusivité accordée peut aussi être scindée en différents marchés spécifiques, à l’intérieur d’un territoire donné. Si vous fabriquez des portes résidentielles, vos acheteurs potentiels sont donc les magasins grandes surfaces, les entrepreneurs de construction, les architectes, etc. Si vous fabriquez des friandises, vos réseaux potentiels sont les épiceries, dépanneurs, grandes surfaces, pharmacies, aéroports, distributrices dans les entreprises, etc. Autant de marchés différents où des distributeurs différents pourraient être mis à contribution, avec de meilleures chances de succès à court et à moyen terme.
Et l’exclusivité, ça se mérite! Si les performances de ventes ne sont pas au rendez-vous, cette exclusivité se doit de tomber, outre la possibilité de mettre fin à l’entente. Il est donc fortement recommandé de prévoir des obligations minimales d’achat de votre distributeur.
Il doit idéalement s’engager non pas pour un chiffre d’affaires global annuel pour l’ensemble du territoire, mais bien territoire par territoire, marché par marché. Et étalez le chiffre d’affaires souhaité tout au cours de l’année (ex. : x$ par trimestre, avec ventes progressives sur une durée de contrat de 2 ans), de sorte que si les choses ne vont pas comme vous l’espériez, vous aurez l’opportunité de corriger le tir, d’en discuter avec le distributeur ou de carrément réduire le territoire, le marché, de faire tomber l’exclusivité ou encore de mettre fin au contrat.
Il est certain qu’il faut cependant tenir compte du cycle de vente normal dans votre domaine et du fait que pour toute introduction d’un nouveau produit sur un marché, les résultats seront progressifs, mais devraient à tous égards être néanmoins bons, voire excellents, si vous avez vraiment sélectionné un excellent distributeur.
Beaucoup de fabricants ont le réflexe de penser que de donner l’exclusivité de tout un pays ou de toute une région n’a pas d’importance parce que le pays ou la région ne faisait pas partie de leur plan stratégique de développement des marchés d’exportation et qu’il faut simplement se montrer opportuniste, saisir l’occasion.
Mais attention, nombre d’exportateurs vous diront qu’une région qu’ils n’avaient pas à l’origine envisagée devient, après mûre réflexion et le passage du temps, un marché d’intérêt. Très peu d’exportateurs et même d’institutionnels au Québec parlaient de vendre en Turquie ou au Vietnam il y a quelques années à peine. Même la Chine s’est transformée en une économie de consommateurs (près de la moitié des achats mondiaux de produits de luxe) et non plus simplement de sous-fabrication pour les entreprises étrangères. Soyez donc conscients que les concessions que vous consentez à un distributeur qui n’a pas encore fait ses preuves, sur un territoire ou marché trop grand, pourraient vous coûter cher et ralentir considérablement votre expansion.
Un distributeur exclusif, peu performant ou simplement n’ayant pas les capacités, les contacts et ce qu’il faut pour adéquatement développer tout le marché ou territoire, ralentira assurément votre développement. Un tel distributeur vous obligera également après un certain temps à agir, et, tôt ou tard, vous souhaiterez le mettre de côté, carrément.
Mais attention, on ne se débarrasse pas et on ne met pas sur la voie de service si facilement un distributeur. En effet, les lois et la jurisprudence de nombreux pays donnent ouverture aux recours des distributeurs devant les tribunaux. Pensons notamment à la France avec sa nouvelle loi Macron. Dans plusieurs juridictions, pour tenter d’éviter un long procès, vous aurez à donner un avis préalable longtemps avant de mettre fin ou de ne pas renouveler l’entente, pouvant aller de quelques mois à plus d’une année. Vous vous exposez aussi au paiement d’indemnités.
Des vérifications d’ordre juridique sont donc fortement recommandées, avant même de vous déplacer à l’étranger pour négocier, de façon à avoir à l’avance les arguments à faire valoir face à votre distributeur, mais aussi être conscients des dangers cachés des législations locales.
Attention aux lois de certains pays ou régions en matière et concurrence qui auront un impact sur cette fameuse exclusivité consentie à un distributeur. L’Union européenne et les États-Unis, par exemple, ont des lois sur la concurrence dont vous devrez tenir compte dans la gestion des exclusivités que vous consentez à des distributeurs de ces territoires. Vous pourrez vous-même vous empêcher d’y vendre en direct, ce que souhaite votre distributeur, mais ne pourrez refuser normalement de vendre à un distributeur de ce territoire (ex. : exclusivité consentie pour la France au distributeur français, mais un distributeur espagnol ayant un contact pour vendre en France étant autorisé à le faire). En effet, l’Union européenne prévoit des dispositions visant à contrer les pratiques anti-concurrentielles et à assurer la libre circulation des biens entre les pays membres, au plus grand bénéfice des consommateurs. Il serait aussi problématique de refuser de vendre à un distributeur du Texas, sachant que les produits seront vendus par lui à New York, sous prétexte que vous y avez un distributeur exclusif.
Sur ces territoires et plusieurs autres, l’exclusivité que vous donnez devra donc être bien définie dans votre contrat, pour entrer dans les balises acceptables de ces lois et règlementations. Vous vous imposerez donc de ne pas vous-même vendre sur ce territoire, ce qui serait normal sauf peut-être à certains clients maison que vous aurez conservés.
Mais entre distributeurs, pour éviter qu’ils vous prennent en otage entre les deux (ex. : votre distributeur allemand exclusif et performant qui menace de vous laisser tomber si vous continuez à vendre de temps en temps au distributeur italien qui a quelques clients en Allemagne), vous pourriez par exemple limiter leur droit d’ouvrir une place d’affaires ou de faire de l’entreposage hors de leur territoire. Cependant, vous ne pourrez bloquer totalement les ventes sur territoires croisés, elles demeureront une réalité avec laquelle vous devrez composer.
Ces questions deviennent de plus en plus corsées, tout comme les négociations avec les distributeurs, alors que les clients sont de taille mondiale et avec des centres d’opérations dans plusieurs pays, et que la publicité et le commerce se font sur Internet. Il faut donc, dans toute négociation avec un distributeur quelconque, penser plus loin que ce distributeur, ce pays, et envisager une stratégie globale dans laquelle les divers distributeurs s’inscriront comme partenaires d’expansion sur les marchés internationaux de votre entreprise.
En terminant, rappelez-vous que votre distributeur, qui achètera et revendra vos produits dans son marché, sera un allié d’importance dans votre succès à l’international, mais pourrait aussi représenter un boulet, voire même compromettre vos chances de percer le marché. Les ententes de distribution doivent donc être bien réfléchies, bien préparées avant le début des négociations, et négociées serrées!
Par Me Micheline Dessureault, avocate et agent de marques de commerce
micheline.dessureault@jolicoeurlacasse.com
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