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Personne n’aime les litiges à l’international, mais qui tranchera?

02-02-2017 / Articles-conseils

Dans le cadre de la négociation de vos ententes commerciales, tels contrat de vente, de distribution, de représentation, d’alliance stratégique ou d’acquisition d’un équipement ou d’une technologie, la question épineuse que chacun déteste aborder lors des négociations: s’il y a litige entre les parties, où et comment cela se règlera-t-il?

Chaque partie voudra s’adresser aux tribunaux de sa juridiction, question de méfiance face à un autre système légal en vue de minimiser les frais reliés à un litige à l’étranger. Autre question à se poser : tribunaux ou arbitrage commercial?

Évidemment, si vos contrats restent silencieux, la question se pose de savoir où et comment le litige sera tranché. Ce sont alors les règles de procédures de chaque juridiction concernée qui détermineront si les tribunaux du pays ont juridiction. Puisque chaque juridiction a adopté ses propres règles, celles-ci pourraient être contradictoires, d’où des chances de double procès et de décisions contradictoires. Ce n’est donc pas l’idéal et la pensée magique que tout ira bien malheureusement ne fonctionne pas souvent.

Choisir une juridiction

Les parties sont libres de choisir la juridiction de leur choix pour le contrat, et ce, à quelques exceptions près, comme pour les contrats de travail où le droit local de l’employé s’appliquera la plupart du temps.

Ce choix peut être la juridiction de l’une ou l’autre des parties mais aussi une juridiction tierce. Par exemple, entre une PME québécoise et une entreprise chinoise, les tribunaux de Singapour. Cela devient donc une question de négociations et il faut prendre le temps de bien considérer les impacts de ce choix, en demandant conseil à un avocat spécialisé en commerce international, qui aura sans doute des recommandations à vous faire.

Évidemment, les parties étant souvent de taille différente, elles n’auront pas nécessairement le même « bargaining power ». Être une PME contre une grande entreprise ne veut pas toujours dire faible pouvoir de négociation cependant, notamment quand cette PME possède une technologie unique.

Si vous ne semblez pas en mesure d’imposer votre juridiction, il peut alors être pertinent d’au moins sortir la partie adverse de sa zone de confort et de « balancer » les impacts, en choisissant une juridiction tierce. Car il faut comprendre que les deux parties auront alors à se déplacer en cas de litige et à faire des frais, souvent un incitatif appréciable en vue d’un éventuel règlement à l’amiable. En négociant avec une partie de la Californie, le Massachusetts ou le Delaware pourraient être des solutions de rechange en droit américain, mais aussi l’Ontario ou la Colombie-Britannique, à titre d’exemples.

L’arbitrage commercial

Plutôt que d’aller devant les tribunaux, l’arbitrage commercial doit aussi être envisagé. Les parties éviteront la possibilité de multiples paliers d’appel de la décision, qui risquent d’allonger le processus et d’augmenter les frais. L’arbitrage est aussi confidentiel et ne se retrouvera pas sur les registres publics. L’arbitre peut aussi être sélectionné en fonction d’une expertise particulière. C’est en raison de ces arguments, entre autres, que les parties auront possiblement plutôt recours à l’arbitrage, qui doit obligatoirement être prévu d’avance dans le contrat sans quoi il ne pourra être imposé.

Les arbitres sont des tiers indépendants qui, tout comme un juge, trancheront le litige et dont la décision doit être indiquée comme étant finale et sans appel. Le tribunal d’arbitrage sera composé d’un ou de trois arbitres, selon ce qui aura été prévu par les parties au contrat et selon le règlement d’arbitrage du centre spécialisé qui aura été sélectionné.

L’idéal est de choisir un centre d’arbitrage reconnu et spécialisé, plutôt que de tenter de rédiger une clause d’arbitrage et les mécaniques de son fonctionnement. Les centres spécialisés ont un règlement dans lequel toute la procédure de fonctionnement est établie d’avance et ces organismes ont une liste d’arbitres qualifiés pour entendre le litige entre les parties, pouvant nommer le ou les arbitres au cas de désaccord entre les parties à ce sujet.

Centre canadien d’arbitrage commercial international (CCAC), Chambre de commerce Internationale (CCI-ICC), American Arbitration Association (AAA), Singapore International Arbitration Centre (SIAC), International Arbitral Centre of the Austrian Federal Economic Chamber, Center for Arbitration and Mediation of the Chamber of Commerce Brazil-Canada, etc, La liste est longue. Encore une fois, votre avocat spécialisé en commerce international pourra vous recommander le centre possiblement le mieux adapté à répondre à votre besoin, en fonction des parties impliquées.

Vous pourrez évidemment convenir du lieu d’arbitrage, qui peut se situer dans le pays de l’une des parties ou encore à mi-chemin, forçant les deux parties à faire des frais et donc à régler à l’amiable.

Il faut cependant aussi s’assurer, avant de sélectionner l’arbitrage comme mode de règlement des différends, que les pays où sont situées les parties sont bien signataires de la Convention de New York pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères, la partie ayant eu gain de cause pouvant ainsi exécuter la décision dans le pays de la partie qui aura perdu, après un processus sommaire d’homologation localement.

La médiation commerciale

Il existe également la possibilité d’une médiation commerciale comme première étape pour tenter d’en venir à un règlement à l’amiable. Les centres d’arbitrage offrent généralement aussi la médiation.

Mais la médiation repose essentiellement sur la bonne foi et le désir de trouver une solution acceptable pour les deux parties. Elle ne fonctionnera donc jamais dans un contexte où une partie est de mauvaise foi et peut avoir pour effet, si la médiation est obligatoire comme première étape dans le contrat, de retarder inutilement le règlement du litige et d’augmenter les frais.

Les parties de bonne foi pourront évidemment toujours décider, à la suggestion de l’une d’elles, de tenter un processus de médiation, même en l’absence de clause obligatoire à cet effet au contrat. Il n’est jamais trop tard pour tenter de s’entendre.

Le choix de lois servant à l’interprétation et l’exécution du contrat

Reste enfin la possibilité de prévoir au contrat les lois qui y seront applicables. Encore une fois, à moins de dispositions impératives d’ordre public, les parties pourront décider du cadre législatif qui servira à interpréter et à exécuter le contrat. Par exemple le droit britannique, ou les parties auront sélectionné l’arbitrage international devant la Chambre de commerce internationale ou encore les lois de New York, devant les tribunaux de New York, pour des parties du Québec et du Texas.

En conclusion, il ne faut surtout pas passer outre la négociation de ces clauses qui auront un impact certain sur votre contrat, au cas de litige, bien qu’elles soient souvent difficiles à négocier. Mais des solutions constructives et plus neutres pour les deux parties peuvent souvent être proposées. Tout se négocie. Les conseils d’un avocat spécialisé vous aideront à faire de bons choix et à en comprendre les impacts.

© 2017, Me Micheline Dessureault

Avocate et agent de marques de commerce
Directrice des départements de propriété intellectuelle et affaires internationales
micheline.dessureault@jolicoeurlacasse.com

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