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Entrepreneuriat féminin

Les Exportants – Épisode 43 – Écoresponsabilité et gestion d’entreprise

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Date de diffusion :

13 février 2024

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Catherine Gervais, directrice générale de Carrefour Québec International, rencontre Indira Moudi, PDG de Viandes Lafrance qui offrent les services d’abattage, de transformation, de vente et de transport en gros d’ovins, de bovins et de caprins. Indira est diplômé en génie industriel de la Polytechnique Montréal et a occupé différent poste de haute direction à l’échelle internationale dans le domaine de l’énergie durant 20 ans. Dans cet épisode, elle nous parle de développement durable, de gestion d’entreprise et nous sensibilise à l’importance d’une économie locale responsable.

Merci de partager avec vos amis entrepreneurs, vendeurs et professionnels généralement intéressés par les affaires à l’étranger. Carrefour Québec international (CQI) et ses experts accompagnent les entreprises du Centre-du-Québec, de l’Estrie et de la Mauricie dans leurs projets d’expansion hors Québec et à l’international.

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L’entreprise Viandes Lafrance est située à Shawinigan. Est-ce que tu peux m’en parler un peu?

Alors c’est une entreprise qui est centenaire, elle date de 1929. Elle a commencé par la famille Louis Lafrance et fils dans le terroir de Saint-Séverin. Ils avaient des animaux, première génération, deuxième génération et troisième génération. C’est François Lafrance et son frère André, qui ont vu les normes aller de l’avant, ils ont donc eu besoin d’une nouvelle bâtisse. Ils sont venus à Shawinigan se promener dans les années 2007-2006, ils ont vu l’ancienne bâtisse de Molson, l’ont acheté puis ont refait l’intérieur de l’usine. En 2008, ils ont ouvert à Shawinigan et voilà. Ils cherchaient une relève parce que François avait quatre enfants et personne ne voulait reprendre, André n’avait pas d’enfants. Moi j’étais à maturité de recherche d’entreprise. Ça faisait quelques années que j’y avait pensais, en disant que je voulais reprendre une entreprise. J’en ai parlé avec mon conjoint qui l’a analysé, une fois certains de notre choix, nous avons acheté.

 

Indira, tu as fait une carrière internationale avant de prendre les commandes de Viandes Lafrance, est ce que tu veux nous parler un peu de ton passé?

Alors, je ne peux pas parler du passé en me dissociant de ma famille. Donc moi je suis issu d’une fratrie de trois filles, mes parents étaient médecins. J’aime dire qu’ils nous ont injecté l’empathie à la naissance. Ils ont une carrière internationale eux même et bougeaient beaucoup. Donc du coup, ils ont décidé de stabiliser les enfants pour leurs études universitaires dans un pays spécifique. Ils ont choisi le Canada, au Québec. Il faut savoir que mes parents viennent de deux continents différents. Ma maman vient de la Guyane anglaise, mon papa du Niger en Afrique de l’Ouest. Ils auraient pu choisir la France, choisir les États-Unis, mais ils ont choisi le Canada parce qu’ils aimaient le parcours et le Québec parce qu’on est des francophones. Ils nous ont donc installés à Montréal. Je suis arrivée à l’âge de seize ans et donc j’ai fait Jean-de-Breboeuf, puis je suis diplômée de Montréal en génie industriel.

 

Donc tu es arrivée à Montréal à seize ans, comment c’était et où étais-tu avant, en Afrique?

Oui, les parents. Le dernier poste qu’ils ont fait était dans les organisations mondiales de la santé dans les Nations Unies, ils bougeaient de pays en pays. Je pense que quand je suis arrivée, mon père était le représentant de l’Organisation mondiale de la santé au Gabon et maman gérait une structure de santé également sur place. Ensuite, ils ont fait la RDC (République Démocratique du Congo) puis le Nigeria. Ils se sont déplacés beaucoup suite à leur carrière internationale. Donc, quand j’ai fini l’université, je pense que je voulais faire comme mes parents. J’ai été attirée par l’international et c’est comme ça que j’ai rejoint un groupe international dans le secteur de l’énergie où j’ai fait une carrière d’une vingtaine d’années.

 

Mais toi, tu arrives à seize ans à Montréal, connaissais-tu le Québec?

Oui. Il faut dire que les parents nous ont beaucoup fait voyager dans notre vie. Je connaissais bien le Canada et l’Amérique du Nord très bien. La différence était que Montréal c’était un choix de vie. Donc ils nous ont acheté notre appartement et puis on est resté. On avait une double vie dans laquelle on vivait ici et chez eux où ils travaillaient.

 

Donc c’est tout un changement.

C’est facile pour moi parce que moi j’ai une grande sœur de cinq ans qui était là aussi, elle s’occupait de moi. Ma petite sœur a suivi aussi et la fratrie a toujours grandi ensemble avec la visite des parents. C’était très clair : on vient d’une famille auquel on finit l’université, on ne se posait pas de questions.

 

Donc, tu as fait tes études en ingénierie, par la suite as-tu travaillé à l’international?

Oui.

 

À travers de ton parcours, est-ce que tu as fait de la gestion d’entreprise? Est-ce que ça t’a permis de t’inspirer pour reprendre Viandes Lafrance par la suite?

Absolument, j’ai fait beaucoup de terrain, et très rapidement, au bout de la deux-troisième année, je gérais des équipes, des plateformes, des pays. J’ai d’abord commencé au Nigeria, pour mon premier poste de gestion, je suis ensuite allée au Gabon où j’ai eu la charge de toutes les plateformes pétrolières du pays. Pendant deux ans, j’ai ensuite eu la charge du département de recrutement et de formation pour l’Europe et l’Afrique, la commission était basée à Paris. C’est là-bas que j’ai d’ailleurs rencontré mon conjoint. Par la suite, j’ai été à la Direction générale des structures d’une start-up en Mauritanie, au Maroc et au Sénégal pour la même compagnie. Ce qui est intéressant dans ces multinationales de 100 000 employés, c’est qu’elles te permettent d’évoluer de segment, de spécialité, de formes et de département. Donc je suis partie de l’ingénierie vers les ressources humaines, à la direction générale. Après le Sénégal, j’avais la charge de la qualité, santé, sécurité et environnement d’une manufacture en Oklahoma. J’ai ensuite pris en charge le département de formation d’un autre segment mondial. J’avais un centre de formation en Russie, aux Émirats, en Asie, aux Etats-Unis et en France. Je suis ensuite allé en Inde. Donc oui, ça m’a donc permis de gérer des départements, des structures, des segments à tous les niveaux et d’être une gérante d’entreprises.

 

Comment le processus d’achat d’entreprise se fait considérant ta carrière incroyable à l’internationale avec des rôles de hauts niveaux? Comment on en vient à se dire : je vais acheter Viandes Lafrance à Shawinigan?

En fait, c’est un processus. J’ai toujours voulu avoir une entreprise, on a donc mis en place une petite équipe de finance et technique avec mon conjoint et on regardait les entreprises. J’ai presque acheté une autre entreprise dans le domaine de la commodité. Il ne faut pas oublier que la base, le domaine industriel, que ce soit du verre, l’alimentaire ou n’importe quelle entreprise, l’important est le message général. Ce qui a beaucoup aidé, c’est que je n’ai pas trop eu de réticence de la part de mon conjoint. Il faut dire que je ne crois pas aux retraites, pour moi, une retraite c’est avoir son entreprise et puis l’amener à un certain niveau. Quand je vois le nombre d’heures investis à travailler pour des structures, je crois qu’on peut le faire pour soi-même, c’était naturel pour moi. Cependant, avec les années, les acquisitions majeures se feront de plus en plus entre entreprises. Des individus qui achètent des grosses entreprises, il y en a moins. Généralement, on achète un salon de thé par exemple. En tant qu’individu, reprendre une structure qui est de taille moyenne ou grande, c’est plus difficile. Je l’ai senti quand on cherchait l’entreprise, ce n’était pas facile à trouver. D’ailleurs, les entreprises, ce n’est pas écrit sur le front « à vendre », il faut des réseaux pour le voir et le comprendre. À travers le réseau où on a été pendant plusieurs années, celle-là est arrivée à travers la SADC. On l’a analysée et elle répondait à plusieurs des critères. Je pense que ça tombait à un âge intéressant pour nous, je savais que j’allais acheter une entreprise avant les 40 ans. On a commencé à regarder le Canada, puis le fait que l’entreprise soit située au Québec, c’était également intéressant, car nos trois filles sont nées ici, c’était donc une continuité pour moi. Donc voilà, je pense que les dés se sont alignés à ce moment-là.

 

Quelles sont les raisons qui t’ont amené vers l’entreprenariat? Ressentais-tu ce besoin d’avoir une entreprise pour la famille? Pour la stabilité? La liberté de gérer à ta façon?

Je pense que par défaut, la formation en génie industriel vous amène à penser à gérer les industries. À la base, même quand j’étais aux études, j’aurais pu aller en médecine comme les parents, mais je me connais très technique et très pointu. Donc si j’avais fait ça, je me serais retrouvée dans un laboratoire en Occident, à ne pas pouvoir aider la planète. Mon sens du devoir d’aider la planète est plus grand et très présent. Donc, pour moi, l’industrie ça se transplante partout. Dans la gestion, la connaissance que j’avais, j’ai toujours travaillé à aller vers des manufactures. C’est comme ça que je me suis trouvée à gérer la manufacture Bartlesville, que je me suis retrouvée en Inde aussi, à gérer la manufacture qui faisait l’outil pétrolier. L’industrie attire l’industrie et lorsque l’on pense comme ça, on est entrepreneur. On connait le principe d’intrapreneur et d’entrepreneur. Il ne faut pas avoir peur. Les tâches sont différentes, le processus de reprise sur les épaules fait en sorte que lorsqu’on le fait pour les autres, on peut le faire pour soi-même. C’est vrai que le risque est un petit peu différent. Dans notre cas, à l’époque, je n’en parlais pas aussi ouvertement. Aujourd’hui, je peux le faire parce que je pense qu’avec la crise, on a appris à avoir plusieurs métiers. Lorsque j’ai fait l’achat de l’entreprise, j’ai eu une très belle opportunité d’un poste qui m’a été offerte à l’étranger en tant que CEO d’une zone en Afrique centrale. Mon conjoint a été coopératif, il savait que j’avais toujours voulu être CEO de cette structure-là, il s’est donc adapté à ma situation et a géré l’entreprise en mon absence.

 

Tu avais ton entreprise et tu as été CEO d’une grosse structure en Afrique simultanément, ton mari t’a permis de réaliser un de tes rêves, c’est incroyable!

Ah oui, c’est magnifique. Non seulement je l’ai fait avec les enfants qui sont nés en parallèle. C’est une belle histoire de 2012, le 25 janvier 2012 mon garçon est né et le 1er avril 2012 je prenais fonction de CEO au Congo pour la multinationale. Le 6 avril 2012 on signait l’achat de notre entreprise. Je me rappelle, mon mari M. Pham et moi on est parti voir les comptables avec qui on a signé et puis en juin j’ai commencé. Ça été de l’adaptation et on est bien content de l’avoir fait. 2012, 2013, 2014 ont amené des défis, mais je regarde en arrière et je n’ai aucun regret, vraiment.

 

Comment on fait pour gérer la vie et le stress avec l’achat d’une entreprise, les nouvelles fonctions de CEO en plus d’être maman? As-tu des trucs à me donner?

Moi, je le gère en famille. En Occident, nous avons le concept de famille nucléaire, dans lequel nous sommes avec nos enfants. Mon père dit souvent que ça prend un village pour éduquer les enfants. Mes parents étaient des jeunes retraités à l’époque. Je les ai appelés et leur ai demandé de venir. J’allaitais mon enfant, je l’ai laissé l’enfant à ma mère, puis je suis parti travailler. C’est tout. Je me rappelle très bien, on était en Afrique du Sud alors que je faisais ma passation. On est restés quatre semaines en Afrique du Sud, pendant que je prenais fonction. J’allaitais mon enfant, je dormais avec l’enfant, je le laissais à mes parents et je partais travailler. Mes parents sont des médecins, il n’y a pas mieux qu’eux pour garder les enfants. Ils m’ont ensuite accompagné alors qu’on s’est installés à l’hôtel durant deux mois, le temps que la maison soit prête avant d’y emménager. Je pense que c’est eux qui ont le plus ce plaisir d’avoir leurs petits-enfants à eux tout seul. Mon garçon était énormément gâté. Je pense que c’est important de bien se faire accompagner, d’avoir la structure pour accompagner. Cependant, s’il y a un message que je peux dire aux femmes : tout d’abord, c’est faisable. C’est vrai que ça prend des ressources, il ne faut pas essayer de tout faire. À ce moment, je dois avouer que je n’étais pas dans toutes les tâches connexes. Cependant, je prenais le temps de donner des câlins et je suis très contente de dire que j’allaitais notre premier garçon pendant neuf mois et la seconde, la fille, je l’ai accueillie juste après et je l’ai allaité pendant quatorze mois. Donc mon plaisir a été de m’occuper de l’enfant, lui donner des câlins et être présente. Je ne fais aucun voyage sans les enfants. C’était « sine qua non » pour mon employeur. Je faisais la navette entre l’Afrique de l’Ouest et le Canada, c’était un cinq ans bien remplis.

 

Avais-tu une vision pour Viandes Lafrance lorsque tu l’as reprise avec ton mari en 2012? On a parlé de rêve d’avoir une planète verte par exemple.

Bon, je pense que ce qu’on apprend dans la gestion d’entreprise, c’est de faire des points stratégiques. Déjà, la première chose, c’est qu’on n’était pas du secteur de la viande, il a donc fallu apprendre le secteur. En 2012, 2013 et 2014, ça a été de comprendre le fonctionnement de la boîte. Lorsqu’en 2014, on a fait le plan stratégique, on comprenait les normes de l’industrie, le besoin et les défis. Je pense que si j’avais connu les défis avant l’achat, je ne l’aurais pas acheté. Toutefois, lorsque l’on fait face aux défis, on cherche des solutions et on souhaite aller de l’avant. Considérant notre formation, les normes sont importantes. Aussi, nous sommes le plus grand des plus petits et le plus petit des plus grands dans notre secteur. Nous sommes vraiment à mi-chemin. On a pris le défi de mettre des normes, ça nous a couté cher en argent et en temps ainsi qu’en ambition, parce qu’initialement, ce n’était pas prévu de cette façon. Par exemple, il fallait organiser un processus, écrire les procédures, avoir des gens qui savent lire et écrire pour mettre en place ces même procédures. On a travaillé à amener les employés à un autre niveau en termes de formation.

 

Comment est-ce que vous vous y êtes pris pour la gestion du changement? Vous aviez combien d’employés à l’époque?

Je pense que ça ne concerne pas seulement les employés, on s’est amélioré différemment, par exemple en mettant un processus. Le nombre d’employés change, mais la qualité et la précision des procédures est ce qui nous a fait gagner. Je me rappelle, lorsqu’on a acheté, on était plus ou moins dans ce qu’on appelle une gestion araignée. Il y avait un employé seulement qui était au courant de tout. Je me rappelle quand je demandais l’organigramme, on m’a demandé qu’est-ce que c’est que ça? En deux ou trois ans, ce que mon conjoint a fait dès qu’il a appris ça, c’est qu’il a mis les départements en place : une structure logistique, une structure d’abattage, etc. Ça a été plus long que prévu parce que le niveau était assez, assez bas en structure, il a fallu qu’on le monte.

 

Est-ce que l’investissement vers une structure plus organisée a été payant?

Absolument. C’est grâce à ça qu’on a pu mettre la première norme en qualité. On connait beaucoup la norme ISO dans l’alimentation. C’est ce qu’on appelle la norme HACCP qui est la base dans l’alimentation. Donc on a ambitionné et on est devenu le premier abattoir sous la gestion du MAPAQ à aller chercher cette certification-là. Ça amène un certain ordre de fonctionnement, lequel nous a permis d’ambitionner pour aller chercher une autre certification de l’Agence canadienne. Il y a eu une continuité qui nous a permis de passer sous la juridiction fédérale grâce à la mise en place d’un département qualité. Sans oublier beaucoup de casse-tête sur lesquels mon conjoint a dû travailler.

 

Donc ça, ça différencie l’entreprise. Est-ce que ça vous a ouvert des portes, des points de vente que vous n’aviez pas auparavant?

Absolument. On ne peut pas vendre de la viande dans les bannières si on n’est pas fédéral. C’est aussi ce qui nous a valu le prix du développement durable, parce qu’on a fait valoir le fait qu’on peut être petit et travailler avec des fermes locales. Il y a un futur au niveau des processus également. Par exemple, les fermes avec qui l’on travaille, ce sont des petites fermes. Une ferme que j’aime bien est Ecoboeuf, qui fait la promotion de l’éco-responsabilité. Ils ont des cours avec nous, et montre qu’on est en circuit court et en parallèle de carbone neutre. On voit bien que, en ayant ce processus de circuit court, on peut vraiment s’occuper de la partie ESG.

 

Donc en ce qui concerne l’environnement, vos clients sont des petites fermes tout près de chez vous?

On parle d’une heure ou deux de distance. Maximum une demi-journée.

 

D’accord, donc vous collaborez.

On fait les services d’abattage. Donc une ferme peut venir faire abattre son petit troupeau d’ovins, de bovins ou d’alpagas par exemple. On est des professionnels de ce métier-là et on le leur remet le produit fini. On peut aussi acheter les animaux, les abattre et les vendre dans les épiceries. Nous avons un modèle d’affaires qui est un B2B.

 

Quand vous faites de la commercialisation, est-ce que cette commercialisation, dans un point de vue vert et écoresponsable, est limitée en termes de kilométrage ?

On dessert le Québec, Trois-Rivières, Montréal, Québec et les grandes métropoles.

 

Considérant votre prix pour l’économie d’être vert pour les changements climatiques, est-ce que c’est un axe que vous allez conserver pour l’entreprise dans le futur?

Il faut, je dois avouer qu’aujourd’hui, on doit travailler sur notre propre branding et montrer davantage cet aspect vert-là.  C’est ce qui nous a valu le prix développement durable, c’est à nous maintenant, à travers le développement des affaires, de mettre cet aspect en valeur sur les tablettes. Mais la réalité, c’est comme avec la crevette, il y a une promotion d’aliments Québec. Le consommateur qui veut le produit local en viande va chercher un autre type de produit. Ils comprennent le processus et aujourd’hui, on est en compétition même au niveau du prix. Par exemple, on est entré dans une des bannières de Sobeys, IGA Laval des carrières, où l’on dessert toute la boucherie. Je vous invite à y aller, toute la boucherie appartient quasiment à Lafrance. Juste à côté, vous allez voir qu’il y a de la viande importée et je vous invite à vérifier les prix. Donc nous avons de la viande locale de qualité, goûteuse, à prix compétitif. On est donc dans une ère où il faut démontrer que, pour ces produits, on est capable de le faire d’une manière responsable.

 

Pour ce qui est de l’importation des aliments, la viande, ou les mûres du Mexique par exemple ont un grand impact au niveau de l’environnement. Un moment donné, peut-être qu’on ne pourra plus se permettre de faire venir la nourriture d’aussi loin.

Je pense que c’est un changement de paradigme. Quand je suis sorti de l’école dans les années 1990, on parlait Énormément de mondialisation. On parlait d’aller loin, pour que ça coûte moins cher pour le fabriquer et le faire venir. Mais le coût de la facture n’était pas aussi bien connu à l’époque. Aujourd’hui, quand on parle de l’empreinte carbone ça peut être assez néfaste. Donc aujourd’hui, 25 ans, 26 ans plus tard, on voit bien que l’on pense différemment. La mondialisation va toujours exister, mais il y a des produits dans lesquels ça fait du sens de le faire localement et la viande en fait partie. Je dis toujours dans l’alimentation, s’il y a un produit des plus polluants, c’est bien la viande. La vérité, notre processus a bien démontré qu’on peut travailler avec Eco bœuf, qui a un processus d’agriculture régénératrice a démontré qu’il est écoresponsable. Les animaux viennent se faire abattre chez nous, c’est un circuit très court pour aller sur les marchés. Donc on démontre qu’on est capable de produire de la viande responsable et c’est d’ailleurs un modèle de décarbonation pour les géants, par exemple, on parle de décarbonation dans le processus de décroissance. Est-ce qu’il faut toujours croître? Moi, je ne le pense pas. Il y a des secteurs où on peut décroitre et grandir différemment, la viande fait partie de ces sujets-là, c’est ce qu’on prône.

 

Comment vois-tu la croissance de l’entreprise ou l’avenir de l’entreprise? Nous, on parle souvent d’exportation, mais comment vois-tu ça toi Indira?

Alors, je pense que je vais faire un petit backtrack. De ma génération, le business qui m’a le plus choqué, qui n’a pas su prendre l’angle vert était Kodak. On fait des Polaroid, mais quand le digital est sorti, ils ont perdu. Je me suis assis et je me suis demandé si dans dix ans on mangera de la viande? La vérité est que oui. L’être humain continuera à manger de la viande, mais il faut savoir comment la consommer et comment la produire, car il y a une limite aux longs voyages des troupeaux. Il faut s’occuper de nos petites fermes régénératrices qui font réellement de la production régénérative au niveau local, comme on le faisait dans le temps avant, mais abattus à un niveau de standards élevés. C’est important dans notre cas, pour pouvoir toucher un rayon, de 2 ou 3 millions de personnes à travers Montréal et Québec. Donc oui, l’idée n’est pas d’exporter, mais de reproduire le modèle. Je pense sincèrement à la décroissance dans ce secteur. C’est un secteur qui gagnerait par rapport à toutes ces importations. Il ne faut pas oublier qu’il y a des pays qui ont misé sur l’agriculture et la production en masse de la viande. Mais le temps passe, les années changent et on apprend autre chose, un peu comme ce qu’on connait sur la cigarette désormais.

 

Le marché risque de changer les façons de faire.

Voilà, donc la consommation de la protéine, qu’elle soit végétale ou animale, on a besoin de la comprendre et on a besoin de la produire de manière responsable. Le modèle d’affaires que nous avons est un modèle responsable de produire de la viande.

 

Tu as été invité Indira à parler à la COP27 sur les changements climatiques.

Une entreprise à Shawinigan a été conférencière à la COP27. Comment cette opportunité est arrivée?

Je l’ai vraiment cherché. Il y avait un appel aux articles pour l’Organisation de la Francophonie en 2022 et c’était le sujet des Économies vertes, résilientes et d’inclusion. Donc, j’ai appelé les professeurs qui en avait la charge, dont le professeur Félix Zogning de l’Université de Sherbrooke qui m’a aidé. J’ai écrit l’article, c’est public, c’est dans les actes de l’UdeM aujourd’hui et je suis allé défendre le sujet. Notamment comment ce genre de d’industrie peut être responsables en travaillant de manière très étroite avec les éleveurs. J’aime dire que nous sommes le lien de confiance entre le producteur de la région et le consommateur local, car le consommateur est de plus en plus informé et il veut savoir d’où la viande provient. J’ai donc fait de la recherche, puis la rédaction d’un article sur le sujet avec l’Organisation de la francophonie que je suis allé défendre à Dakar d’ailleurs. Ensuite, je me suis demandé dans quel forum est-ce que ce genre de sujet fonctionnerait. La COP 27 m’a parlé, je me suis inscrite et me suis battue pour avoir mon ticket. Cependant, je suis très heureuse d’annoncer que pour la COP 28, le Québec, le Canada m’a contacté pour aller présenter mon article. Ça fait partie d’une chaine de petits succès dans laquelle on avance un pas à la fois. Ça reste tout de même un sujet très sensible. Les notions de bien-être animal sont très élevées dans le sujet dans lequel nous parlons et je pense que, ensemble, à force d’en parler, d’en discuter, on peut défier le système et dire que nous pouvons faire les choses dans une ampleur moins grande tout en nourrissant la planète de manière responsable.