Les pièges de l’approvisionnement
04-01-2016 / Articles-conseils
Quelques petites clauses légales à ne pas oublier lors de vos achats auprès de vos fournisseurs, pour vous éviter bien des soucis.
Avec le rythme accéléré des affaires, les responsables de l’approvisionnement d’une entreprise ont rarement le temps de lire attentivement toutes les conditions d’achat des différentes fournitures, matières premières, composantes et pièces d’équipement nécessaires aux opérations et à la production de l’entreprise.
Mais attention, dès que survient un problème, il faut alors se tourner vers les documents commerciaux qui ont été échangés par les parties pour tenter de trouver une solution, et ils sont souvent inadéquats.
La plupart du temps, les parties n’ont pas de contrat formel et ont simplement procédé par bon de commande et facture, auxquels sont souvent joints les termes généraux de vente (« general terms and conditions of sale »), soit un document écrit en petits caractères que l’on ne prend pas le temps de lire. Mais attention, s’il vous est imposé par votre fournisseur, il contiendra bien des clauses qui pourraient vous être préjudiciables.
Il faut donc prendre le temps de les lire et de les négocier correctement, et ce, principalement si ces matières premières, composantes, pièces et équipements sont stratégiques pour la production de vos propres produits ou encore risquent de causer des dommages à vos propres produits, aux équipements de vos clients ou encore de blesser ou tuer quelqu’un, advenant leur défectuosité, par exemple.
Voici quelques clauses auxquelles porter particulièrement attention et qui se retrouvent souvent dans les termes imposés par les fournisseurs :
- Une clause indique-t-elle que la date de livraison n’est qu’approximative et non ferme? Un retard aura sans contredit un impact direct sur votre chaîne d’approvisionnement et peut même entraîner pour vous des pénalités imposées par vos propres clients.
- Quelle est la durée exacte de la garantie que vous offre le fournisseur et sera-t-elle compatible avec celle que vous offrez à votre client? Un fournisseur chinois vous offrant 1 an de garantie à partir de la livraison au port de Shanghai vous causera certainement problème si la pièce ou l’équipement que vous intégrerez dans votre propre produit est garantie 1 an elle aussi, mais à partir de la mise en service de votre équipement chez le client!
- Cette garantie a-t-elle aussi des exclusions qui seraient incompatibles avec l’usage que vous en faites ou encore des exclusions que vous ne pouvez pas vous-même imposer à votre client? Par exemple, que la garantie ne s’applique qu’à vous et n’est pas transférable à votre client ou à l’utilisateur ultime du produit?
- Le document indique-t-il que vous êtes réputés avoir reçu les produits commandés en bon état et qu’ils sont conformes après un certain nombre de jours suivant la réception des produits? Il vous sera alors difficile de prétendre le contraire une fois ce délai passé, surtout dans un contexte où votre service de réception des marchandises n’aura pas nécessairement fait une inspection exhaustive de toutes les caisses et de tous les items reçus. Ce serait peut-être une bonne idée de prévoir une inspection avant livraison des marchandises, par une personne de confiance ou une firme spécialisée sur place, pour éviter de découvrir quelques semaines plus tard, après l’arrivée du conteneur, qu’il y a un problème. Que feriez-vous avec un lot de chemises commandées pour lesquelles une manche a été par erreur mal cousue, et ce, sur les 5000 chemises commandées?
- Le fournisseur se réserve-t-il le droit de remplacer le produit commandé par un produit « équivalent »? Si votre propre produit a dû recevoir une accréditation spécifique, un changement de composante pourrait causer un problème majeur pour vous.
- Le fournisseur se donne-t-il le droit de faire sous-traiter votre commande par un autre fabricant ou fournisseur local? Votre fournisseur peut être excellent, mais son sous-traitant ne le sera peut-être pas autant! Et la « sous-sous-traitance » est un phénomène fréquent et tentant pour les fournisseurs, et ce, simplement parce qu’il aura reçu une commande plus grosse et plus payante que la vôtre, qu’il préfèrera fabriquer si son usine ne peut faire les deux.
- Les documents commerciaux comportent souvent une clause de « force majeure » qui couvre les retards et défauts dus à des incendies, des catastrophes naturelles et autres cas hors de la volonté de la partie. Mais une telle clause lui permet-il de ne pas respecter la date de livraison convenue du fait qu’il a simplement un retard avec ses propres transporteurs ou fournisseurs, possiblement dû à une gestion peu rigoureuse de sa chaine d’approvisionnement? C’est la vôtre qui risque d’en souffrir.
- Quel service après-vente vous sera offert exactement, en cas de problème, notamment une fois la garantie expirée? Le fournisseur s’en lave-t-il les mains? Malheureusement, nombre d’importateurs se rendent compte qu’au premier problème, plus personne chez leur fournisseur ne leur répond. Plus de son, plus d’image!
- Aurez-vous accès à des pièces de rechange? Se garde-t-il le droit de discontinuer ou de modifier en tout temps son produit? Quel sera alors l’impact pour votre client qui a payé sa ligne de production robotisée quelques millions de dollars avec un équipement qui en bloque le fonctionnement, sans que l’on puisse avoir accès à des pièces d’origine pour réparer? Il s’agit d’une inquiétude que votre client potentiel, désireux d’acheter vos produits, pourrait avoir et qu’il faut donc envisager dès le départ!
- S’il y a litige, le fournisseur a-t-il indiqué que les lois applicables seront celles de son pays ou de son État et, encore pire, que vous devrez le poursuivre devant les tribunaux de son pays, État et ville? Rappelez-vous qu’au Canada, si vous devez vous défendre en raison d’une poursuite intentée par votre client, mais où la responsabilité réelle est imputable à votre fournisseur en raison d’un produit défectueux qu’il vous a livré, une telle clause vous empêcherait de forcer votre fournisseur à venir vous défendre au Canada auprès de votre client. Vous seriez obligé d’intenter des poursuites séparées contre lui, dans ce pays. Tel en a décidé la Cour suprême du Canada il y a quelques années. Les délais, les frais et surtout les risques de jugements contradictoires sont importants. Un importateur devrait donc, dans le contexte de négociation de ce type de clause, toujours prévoir que, peu importe devant quel tribunal ou arbitre les deux parties décident de régler entre eux leur litige, l’importateur conservera le droit de forcer son fournisseur à venir le défendre là où il est poursuivi par son client, lorsque le produit du fournisseur est mis en question.
- N’oubliez pas qu’il vous revient de prévoir aussi toutes les spécifications des produits que vous commandez. Par exemple, une commande de produits électriques passée à Taiwan devra obligatoirement mentionner que les produits doivent fonctionner sur le 110v et rencontrer les standards canadiens. Le fournisseur ne peut savoir si le produit commandé est destiné au marché canadien ou européen, une fois revendu ou intégré par vous, puisque vous n’avez rien mentionné. Peu de moyens de défense, donc, si vous recevez un conteneur rempli de produits fonctionnant sur le 220v pour le Canada!
Il est donc essentiel, surtout pour des produits stratégiques ou encore achetés en grande quantité, de prendre le temps de bien négocier les ententes d’approvisionnement et la documentation échangée avec vos fournisseurs.
Notre équipe d’avocats en droit des affaires international est à même de vous accompagner dans l’analyse de ce type de documents, de bâtir pour votre entreprise une documentation modèle à suivre dans la plupart de vos transactions, voire même de former votre personnel en quelques heures pour qu’il soit mieux à même d’identifier par lui-même les pièges qui guettent votre entreprise.
Notre cabinet, présent à l’international grâce à nos partenariats de cabinets d’avocats présents dans près de 70 pays à travers le monde, est à même de vous accompagner là où vous souhaitez vous approvisionner ou encore exporter.
Par Me Micheline Dessureault, avocate et agent de marques de commerce
micheline.dessureault@jolicoeurlacasse.com
© 2016, Me Micheline Dessureaults
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