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S'inspirer et rester branchés!24-05-2016 / Articles-conseils
L’Europe est sans contredit un espace économique d’un grand intérêt pour les entreprises exportatrices québécoises, et ce, encore plus avec l’Accord économique commercial global entre le Canada et l’Union européenne (AECG) devant faire bientôt partie de notre réalité économique.
Ouvrir de nouveaux marchés ne se fait pas sans des investissements importants pour une entreprise et il est peu fréquent que des économies soient réalisables dans le domaine juridique, compte tenu de la complexité du commerce international moderne.
La marque de commerce de l’Union européenne (jusqu’à la fin mars appelée « marque communautaire ») est cependant une véritable aubaine juridique, puisque son enregistrement couvre les 28 pays membres de l’Union européenne, pour un coût qui avoisine ce qu’il en coûte, dans la majorité des cas, pour protéger dans 1 ou 2 pays. Donc un (1) seul dépôt, un (1) enregistrement valide pour 10 ans dans 28 pays. Quelques centaines de dollars par année à peine.
Rappelons qu’une marque de commerce consiste principalement en le ou les mots, le logo et le slogan que vous utilisez pour identifier vos produits et services.
Économies
Quand on parle d’économies, ceci est d’autant plus vrai qu’à la suite de la réforme entrée en vigueur à la fin mars 2016, les frais gouvernementaux chargés par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) ont été modifiés tant au dépôt qu’au renouvellement de la marque. Si l’entreprise n’a qu’une (1) seule classe de produits ou de services, les frais gouvernementaux ont été légèrement diminués et sont restés les mêmes pour deux (2) classes. Une hausse des frais gouvernementaux s’applique depuis la réforme à compter de la 3e classe, mais les montants sont nominaux et ont donc peu d’incidence sur le coût total de l’opération.
Par « classe », on fait référence à la classification de Nice en matière de marque de commerce, classification qui n’a rien en commun avec la classification douanière (codes HS) des marchandises avec laquelle les entreprises travaillent constamment lors de l’exportation de leurs produits.
Premier à déposer
Mais au-delà des coûts peu élevés et récemment diminués dans bien des cas, il est essentiel de rappeler que l’Union européenne fonctionne en matière d’enregistrement sur la base du 1er à déposer, 1er à obtenir l’enregistrement.
Cette situation est différente de celle du Canada (en ce moment et avant l’entrée en vigueur intégrale de la réforme du droit des marques prévu pour 2018) et des États-Unis, où il ne vous sera pas possible d’obtenir le certificat d’enregistrement de votre marque avant d’avoir commencé l’usage de la marque dans le pays. Au Canada, en ce qui concerne des produits, cela veut dire avoir débuté vos ventes au Canada en ayant la marque apposée sur votre produit ou son emballage.
Utilisation de la marque
Pour la marque de l’Union européenne, il n’est pas nécessaire d’utiliser la marque pour en obtenir l’enregistrement. Cependant, si le propriétaire n’y a pas débuté l’usage dans les cinq (5) ans suivant l’enregistrement, il s’expose à voir son enregistrement être annulé.
Le fait de pouvoir déposer et obtenir l’enregistrement sans usage préalable en Europe offre donc tout de même beaucoup de souplesse pour toute entreprise québécoise qui y commence ses démarches, sans savoir si et quand elles seront fructueuses.
Mais le fait de déposer la marque dès les premières intentions d’attaquer le marché européen assure ainsi à l’entreprise québécoise d’avoir les coudées franches, si le plan d’affaires européen devait se concrétiser par la suite. Les démarches d’enregistrement prenant tout de même quelques mois, à l’heure actuelle, il sera alors d’autant plus réconfortant d’avoir rapidement en main le certificat d’enregistrement avant d’encourir les frais les plus importants de commercialisation. Le processus est d’ailleurs beaucoup plus rapide qu’au Canada, qui avoisine les 18 à 24 mois.
Évidemment, le processus d’enregistrement présuppose que la marque que l’on souhaite voir enregistrée soit disponible, car il ne faut pas oublier que des millions de marques se retrouvent sur les différents registres et qu’il devient de plus en plus difficile de trouver une marque qui ne porte pas à confusion avec une autre. Le processus d’enregistrement comporte notamment une étape d’opposition, ou toute personne intéressée pourra s’opposer à votre demande, dont évidemment le propriétaire d’une marque similaire ou identique, avec laquelle votre marque porterait à confusion.
Rappelez-vous que si vous exportez des produits en Europe ou encore des emballages, étiquettes ou autres conditionnement comportant votre marque et que votre marque porte à confusion avec une marque déjà enregistrée, le propriétaire de cette marque pourra prendre contre vous tous les recours appropriés, outre l’opposition à l’enregistrement, y compris l’injonction pour faire cesser toute utilisation de votre part dans les pays de l’Union européenne, un recours en indemnisation et la saisie de vos produits. La réforme entrée en vigueur à la fin mars 2016 permet maintenant d’ailleurs la saisie aussi de marchandises simplement en transit en Europe (importation au port de Rotterdam, pour transit vers la Turquie ou l’Ukraine).
Vous comprendrez donc qu’il est important de savoir rapidement à quoi s’en tenir avant de débuter la commercialisation, lorsque cela est possible, et que le plus tôt vous aurez déposé votre marque, le plus tôt vous saurez s’il y a un problème, ou non, relié à l’utilisation de cette marque. Des recherches de disponibilités sont également disponibles pour l’Union européenne, mais les coûts sont souvent plus élevés et l’étendue de leur couverture est aussi moins complète que les produits de recherche offerts au Canada et aux États-Unis.
Mais rappelez-vous que l’un des principes qui soutient l’Union européenne est la liberté de circulation des marchandises et des personnes. Il est fort à parier qu’inévitablement, vos produits se retrouveront sur les marchés voisins. Le dépôt d’une marque de l’Union européenne constitue donc une façon prudente, efficace et encore une fois peu coûteuse, de se protéger dans 28 pays à la fois.
Stratégie de dépôt national
Si vous ne comptez exporter que dans un nombre limité de pays européens (ex. : France ou Allemagne), une stratégie de dépôt national peut aussi être envisagée et serait même une excellente idée, en plus de la marque de l’Union européenne, pour pouvoir se reposer sur plus d’un enregistrement. En effet une récente décision rendue en avril en appel au Royaume-Uni, dans la cause opposant le fabricant turc Intermar Simanto Nahmias contre Nike pour la marque JUMPMAN, crée en ce moment un grand remous dans les milieux juridiques de propriété intellectuelle en Europe.
Depuis cette toute récente décision, si votre marque, bien qu’enregistrée dans les 28 pays membres de l’Union européenne, n’y est pas utilisée de façon extensive dans différentes juridictions, elle pourrait être plus facilement attaquable ou vous empêcher de vous opposer à une marque portant à confusion déposée nationalement dans un autre pays de l’UE. C’est malheureusement plus souvent le cas de nos PME québécoises, dont les activités européennes seront souvent limitées à certains pays seulement. Il faut donc depuis les dernières semaines bien évaluer les risques liés aux différents choix de protection de marques de commerce en Europe.
Pays non membres
De plus, n’oubliez pas dans votre stratégie la Suisse de même que d’autres pays européens, mais non membres de l’Union européenne, comme la Norvège. Il serait prudent d’y envisager aussi un dépôt, particulièrement en Suisse, pays au cœur de l’Europe de l’Ouest.
La protection des marques de commerce est un enjeu d’importance autant pour les PME que les grandes entreprises. Notre département de propriété intellectuelle est à même de vous conseiller sur les meilleures stratégies de protection de vos marques de commerce en territoire européen, tout comme au Canada et à l’international.
Par Me Micheline Dessureault, avocate et agent de marques de commerce
micheline.dessureault@jolicoeurlacasse.com
© 2016, Me Micheline Dessureaults
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